Georges Bidault reçoit la presse française

Vendredi 5/4/1947

(De notre envoyé spécial à Moscou)

Avec ses énormes verrières, l'hôtel Moskowa est une sorte de serre où les « bobards » trouvent une atmosphère appropriée. Les bruits les plus divers ont couru toute la soirée, une soirée russe qui s'est prolongée tard dans la nuit, presque jusqu'au matin : « Bidault allait repartir pour Paris. Un avion était déjà là pour le prendre ».

Et cet avion fantôme était prêt à jouer le même rôle diplomatique que naguère la « Vache sacrée » de M. Byrnes. Pour d'autres, Georges Bidault était au Kremlin, en conférence avec Staline. Comme le ministre devait le dire à son réveil : « Les journalistes anglais et américains sont mieux informés que moi sur mes faits et gestes ».

Pourtant, de ces négociations nocturnes, dont abonde l'hôtel Moskowa – on retire une impression assez nette sur la question du charbon. Les journalistes anglais, et par conséquent, l'opinion britannique ne sont pas, dans l'ensemble, d'accord avec M. Bevin. « Le bons sens est une qualité anglaise ». D'où notre faveur. Cette approbation concerne d'ailleurs de nombreux points des positions françaises sur les problèmes économiques de l'Allemagne. Il serait exagéré d'en conclure que l'attitude de M. Bevin revêt un caractère technique. Comme l'a dit Georges Bidault, lors d'une réception intime offerte ce matin même : « Français et Anglais ont suffisamment l'habitude de vivre en amis tout en ayant des querelles sur certains points ».

Georges Bidault a voulu donner quelques explications comme on lui demandait son impression sur la conférence après le premier débat :

- Je ne vois pas de raisons de pessimisme, a-t-il dit. Il y a même des jours où l'on aperçoit le commencement de certains éléments de satisfaction.

Le ministre devait ajouter un peu plus tard :

- Je vois des possibilités d'entente, au besoin par moyens d'échanges. Il y a beaucoup de pions sur l'échiquier.

Au sujet de son entrevue avec le maréchal Staline, Georges Bidault a déclaré :

- Cet entretien n'a pas eu la portée que certains lui ont prêtée. Staline et moi, nous nous sommes livrés à une comparaison plus poussée que jusqu'à présent des deux attitudes française et russe sur l'Allemagne.

Interrogé sur la durée de la conférence, Georges Bidault a dit enfin :

- Tout dépend de sa réussite. Si cela va bien, nous resterons longtemps. Si cela va mal, ce sera rapide.

Quant à la date à laquelle la paix pourrait être signée, le ministre a cité l'opinion de Mazarick selon laquelle la préparation du traité ne serait pas achevée avant décembre 1948.